Les colorations

Depuis quelques années, la palette
des tisserandes s'est diversifiée avec l'apparition des colorants
chimiques, variant du jaune vif au bleu électrique en passant par le
vert et le violet. Toutefois, les femmes utilisent encore des méthodes
locales traditionnelles. La laine peut être travaillée au naturel
(marron, noir, écru) ou teinte dans des bains de couleurs.

Toute une gamme de teintes
s'obtient à partir de fleurs, de feuilles, de fruits, d'insectes séchés
au soleil, pilés finement et tamisés.

Les couleurs de nature très diverse
sont d'origine locale ou viennent de loin. Autrefois, elles parvenaient
à la kasbah grâce aux caravanes. Aujourd'hui, on les trouve dans des
échoppes spécialisées dans les souks, exposées dans des bocaux, à côté
des plantes médicinales.

Pigments

Pour obtenir du marron si la laine
n'est pas naturellement colorée, les villageoises peuvent faire rouiller
des clous ou utiliser des fleurs de soucis.
Des nuances allant du rouge sang au
brun en passant par un orange plus ou moins vif sont offertes par la
racine de garance, la cochenille, le pourpre, le coquelicot, le henné,
l'écorce de noyer, de grenade et de pommier, seuls ou associés.
Le thé, le safran, la daphné, les
pétales de genêts et de mimosa permettre de riches dégradés de jaune vif
et pastel ainsi que d'ocre.

L'indigo, employé à l'état végétal
ou sous forme de petits blocs solides en provenance du Sahara, colorie
instantanément en bleu vif l'eau du chaudron en cuivre alors que le
murex se transforme en bleu outremer.

Des bains successifs de jaune et de
bleu donnent le vert, également obtenu à partir de menthe sauvage, de
feuilles de noyer, d'écorce de grenade utilisés seuls ou mêlés.
Les pétales de rose donnent un rose
tendre et la lavande, le parme. Le vieux rose provient des graines de
jujube.
La teinture et
le séchage

Certaines teintes
naturelles, chargées de valeur symbolique et dont seules les
villageoises ont le secret de fabrication, sont préparées par
celles-ci dans la cuisine traditionnelle ("asmal") abritant les
fours en terre.
Dans la pénombre et la chaleur du foyer, les
couleurs mijotent doucement.
Les femmes portent à ébullition l'eau du
chaudron placé sur le "taket" (petit four).
La poudre est jetée dans une eau bouillante
contenant du sel de gemme et de l'alun pour permettre la
fixation du pigment sur les écheveaux de laine.
Une poignée de feuilles de henné séchées
complétée parfois par du brou de noix concassées permet
d'obtenir un rouge très intense. |
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La festonnerie
L'art du tissage se transmet de mère en fille. Par
contre, les plus religieux ont le monopole de la confection masculine
des tissus de laine et de coton aux couleurs exclusivement naturelles.

Une fois que le tissu est détaché
du métier, il est envoyé au souk afin d'y être trempé dans un bain de
couleur.
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L'"aselham" (burnous) est
invariablement brun rouge. Mais les tisserandes travaillent
également sur des écheveaux teints au préalable par leurs soins.
La "tajllabit" est parfois striée de lignes
polychromes. |
Puis le tissu est porté au "fqih" ou au "ma'âllem"
(savants du Coran) du village qui se chargent de la passementerie du
plastron, des tresses des franges et du pompon. La fonction de tailleur
("khiata") est chargée de baraka, c'est pourquoi l'artisan doit être un
érudit du Coran. C'est à travers ce rapport à la spiritualité que la
communauté reconnaît au tailleur la légitimité de sa fonction exercée au
nom de Dieu qui guide sa main habile. Le caractère religieux du tailleur
est associé également aux outils qu'il utilise (objets tranchants et
pénétrants) et au profond respect qu'inspire le tissage.
Spécifiquement masculine, la capuche est présente sur
tous les vêtements des hommes alors que ceux des femmes en sont
dépourvus. La confection masculine occupe une grande partie du temps du
religieux qui travaille quotidiennement 3 à 6 heures excepté le
vendredi, jour de prières.

L'apprentissage est long et commence tôt. Très jeune,
le petit garçon reçoit l'enseignement coranique à la mosquée et
accompagne le maître spirituel qui veut bien l'initier. Le matériel
requis est simple. Le tailleur dispose d'un petit bloc de cire d'un
centimètre de côté pour graisser l'aiguille et lui permettre de pénétrer
dans le tissu sans l'accrocher, d'un dé, d'un morceau de cuir protégeant
l'auriculaire de la main droite, d'une broche et d'une paire de ciseaux.


Pour écraser et assouplir la broderie ("tasfift"), il
utilise un bâtonnet plat dégagé de son écorce.

Après avoir bâti son ouvrage, il travaille pendant
une heure le fil qu'il a choisi. Dans un premier temps, il accroche au
mur les brins serrés dans une mèche et confie l'autre extrémité au petit
garçon qui les répartit autour de ses doigts. formant ainsi deux nappes.
Pour assouplir le fil et le transformer en torsade, le tailleur le
mouille sur toute sa longueur et le frictionne vigoureusement entre ses
deux paumes. Il détache la mèche du mur et la fixe ensuite à l'aide
d'une broche, sur sa jambe repliée, afin de l'empêcher de glisser.
L'apprenti, debout en face, fait passer plusieurs fois la nappe de fils
retenue par les doigts de sa main droite sur ceux de sa main gauche et
vice-versa. Puis la torsade est fixée au tissu.

La festonnerie connaît un ordre précis qu'il faut
absolument respecter. On commence par la couture centrale de la capuche
et on finit par celle des manches.


Le pompon ("tasbayut"), uniquement présent sur
la capuche du burnous, en est le point final.
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