Lavage de la laine filée
La
construction du métier à tisser demande du temps (plus d’une heure), de
l’habileté et de la patience. Il permet de tendre de manière régulière
les fils de chaîne constituant la largeur du tissu. La première étape de
l’ourdissage s’obtient de deux façons. Elle consiste à fabriquer la
chaîne séparée en deux nappes de fils pairs et impairs grâce à la
formation de l’encroix. Dans un mur, la tisseuse plante quatre piquets
autour desquels elle enroule les fils de la chaîne à intervalle régulier
selon un ordre déterminé. Cette méthode permet à la villageoise de
procéder seule mais est peu courante dans le Haut-Atlas.
L’ourdissage, comme la tonte du mouton, est l’occasion de rappeler la
cohésion villageoise par l’entraide communautaire.
Assise aux pieds des piquets qu’elles ont fichés dans le sol, éloignées
d’une dizaine de mètres, les deux villageoises enroulent et nouent le
fil que fait courir une troisième femme en formant une chaînette
verticale le long des piquets.


Travaux agricoles et ourdissage du
métier à tisser chez les Aït Hadiddou (1937-1939)
Elle
forme ainsi un encroix au centre et fait autant d’allers et de retours
entre les piquets qu’ils peuvent contenir de rangs.

Lorsque la mise en chaîne est achevée, on enlève les piquets du mur ou
du sol et on les remplace par des roseaux (« ighanimen ») eux-mêmes
remplacés plus tard par des traverses en bois percées de trous à
intervalles réguliers permettant de fixer solidement la chaîne à l’aide
d’un lien.


Une
fois la chaîne achevée, on l’enroule sur l’ensouple supérieure et on
transporte le métier chez celle qui veillera sur l’accomplissement de
l’ouvrage commencé.


Deux
ensouples de bois horizontales sont supportées par deux montants
verticaux (« timundwin »). De un à trois roseaux sont glissés près de
l’ensouple supérieure dans l’encroix. Ce sont les baguettes d’envergure
qui maintiennent parallèles les fils de chaîne.

Autour de l’ensouple du haut, toute la réserve de la chaîne ourdie sur
les piquets a été transférée. Cette poutre dérouleuse s’appelle « taghwsa »
(« être rectiligne »). La poutre du bas est enrouleuse. Elle contient le
tissage à proprement parler. Trois roseaux (« ighanimn ») attachés
ensemble et fixés à la chaîne à la hauteur des épaules de la tisseuse
assise à son travail font office de lice. Ils permettent le croisement
alternatif des deux nappes de fils.

La
tisseuse s’assied du côté de l’envers de son futur tissu.

De
la main gauche, elle passe le fil de trame entre les deux nappes. De la
main droite, elle tire la trame et ainsi de suite. Au-dessus des lices
se trouvent un ou plusieurs roseaux. En les élevant ou en les abaissant,
on ouvre alternativement le pas et le pas inverse pour l’aller et le
retour du fil ou du brin de trame (la duite). Lorsque le roseau est en
haut, les fils pairs se trouvent tirés en arrière par la barre de lice
et les fils impairs qui restent verticaux sont devant.

Lorsque le roseau est baissé, il exerce une pression sur la nappe des
fils impairs qui s’incurve tandis que la nappe des fils pairs passe en
avant. Dès que 15-20 duites ont été passées, on les tasse légèrement
avec le lourd peigne en métal que la villageoise tient par le manche en
bois.

Les femmes forgent leur valeur par
la force de leur travail et l'habileté de leurs mains. La laine est
vivante, habitée par des forces invisibles. Il faut la toucher, la
ressentir, la comprendre. Le tissage est le reflet de la jeune fille. La
chaîne de l'ouvrage, claire ou embrouillée, est à l'image de l'esprit de
celle qui l'utilise.
Les vêtements et autres tissus
Les villageoises façonnent des
couvertures, des étoffes de laine blanche ("ihaykn") ainsi que des
ceintures multicolores pour le mariage de leurs filles, des petits
châles rectangulaires et des vêtements masculins à capuche. L' "aslham"
ou "azennar" (en berbère) appelé "burnous" également (en arabe) est une
large cape évasée.
 |
Le burnous |
La "tajllabit" |
La "tajllabit" beaucoup plus
ajustée est un long manteau droit. Entreprise par deux femmes, elle
demande plus de 10 jours de travail à raison de 3 heures chaque soir.
L'"aselham" plus ample, tissé en une seule pièce, demande plus de temps.
Chez les Aït
Hadiddou, on tisse à la maison les haïks, les mantes et les burnous mais
ni couvertures ni natte. On les achète aux tribus voisines. Pour faire
une de ces pièces, un mois est nécessaire. Ce sont les femmes qui les
tissent mais elles ne les cousent pas (voir ci-dessous "La festonnerie").
Rien n'est cousu dans leur vêtement. Les vêtements des hommes (burnous,
chemises, pantalons) sont taillés et cousus par le "fqui" (voir
ci-dessous "La festonnerie"); ce sont aussi les hommes qui tricotes
jambières et calottes.
Autrefois, les femmes portaient de
larges étoffes de laine ("tahaykt"), fixées par de lourdes fibules
d'argent.

Une fibule
L'art du drapé n'a pas disparu, il
apparaît encore à travers le costume de fête. La villageoise s'enveloppe
plusieurs fois dans le tissu long de 4 à 6 mètres et large de 1,5 mètres
qu'elle fixe au niveau des épaules avec des fibules et qu'elle fait
blouser à la taille avec une ceinture.


<<<Retour |Page1
| Page2 |
Page 3 |
Page 4 | Page 5 |
suite >> |