Historique
Très ancien, le
tissage traditionnel est encore en usage dans de nombreuses régions du
monde. Il demeure le plus souvent un art féminin réalisé sur un métier
vertical (à haute lice) ou horizontal (à basse lice).
Au Maroc, la
barrière montagneuse formée par le Haut-Atlas n’est pas étrangère à la
conservation identitaire des villages où l’art du tissage est un des
plus précieux témoignages du passé.

De la fin du
XIXème siècle au milieu du XXème siècle, la tribu Glaoua dominait un
territoire immense de part et d’autre du Haut-Atlas. Dans le souk de
Télouet, les choses les plus belles et les plus précieuses étaient
exposées, notamment des vêtements et des étoffes de laine ainsi que des
tapis. La réalité du tapis Glaoua couvre aujourd’hui une immense région.
Au début du siècle dernier, les marchands qualifiaient de Glaoua tous
les tapis qui provenaient de Télouet et des souks des différentes tribus
placés sous son contrôle.
Le métier à
tisser traditionnel berbère est si rudimentaire qu'il n'a pas de nom; on
l'appelle "azetta" (la chaîne).

Métier à tisser chez les Aït Hadiddou
(1937-1939)
Aujourd’hui, le
tissage a conservé toute sa valeur symbolique même si le synthétique est
largement porté. Les femmes, pourtant très affairées, continuent de
tisser pour la maison, pour le mariage de leurs filles et pour les
hommes. Le tissage incarne la vie, la mort, la virginité et
l'impuissance masculine mais il est surtout le miroir de la terre.
Une
tradition féminine
Toutes les
villageoises, jeunes ou âgées, aisées ou modestes, connaissent le
tissage. Autrefois, la précocité du mariage des filles entre 8 et 13 ans
exigeait une initiation encore plus précoce aux tâches domestiques.

Transmission de mère en fille

Le tissage
occupe une grande place dans le quotidien des femmes. Il est néanmoins
interdit certains jours comme le vendredi (jour de la prière), l’Aïd el
Kbir (fête du sacrifice) et le jour de la naissance du prophète.
Le
tissage de la tonte à la confection
Le travail des
femmes commence bien avant la construction du métier (« mrma ») et de la
confection du tissu. Le tissage est considéré par les femmes comme un
devoir astreignant. Tout tissage commencé doit être terminé sous peu.

Les outils des
tisserandes, peignes, cardes, quenouilles, paniers, sont personnels et
ne se prêtent pas ; ils viennent souvent du passé et constituent un
héritage en incarnant la filiation par les femmes.

Cardes, peigne et fuseau

Au printemps, la
tonte des moutons et l’achat des toisons de laine relèvent des
hommes. De simples ciseaux remplacent la petite serpe (« imgr ») et le
couteau que les Juifs du village fabriquaient et vendaient aux paysans
autrefois. C’est l’occasion de demander la « tiwizi », l’aide collective
qui rappelle les liens de la communauté. Dans un enclos bordé de
pierres, des villageois immobilisent l’animal couché sur le flanc à
l’aide d’un lien solide. Ils chantent des formules magiques pour attirer
la « baraka » (bénédiction divine) sur la toison.

Le cycle du tissage, strictement
féminin, peut commencer.
Les femmes
trient la laine (« tadut ») et la débarrassent grossièrement de ses
impuretés – brindilles, etc. Dans certaines régions, elles la font
bouillir dans un bain de saponaire pour la blanchir. Le plus souvent
elles la mouillent, la battent avec un bâton avant de la laver avec soin
dans la rivière dans un panier en osier (« taselite ») qui laisse
filtrer l’eau. Pour faire partir le suint qui l’imprègne, elles
utilisent les feuilles d’une plante, la daphné (« lezzâz ») qui mousse.

Lavage de la laine brute puis séchage au
soleil.

Fraîchement
lavée, posée sur le sol, la laine sèche au soleil et blanchit. Le soir
venu, elle est rangée dans la réserve domestique (« khzin »). On la
laisse plusieurs jours car la laine lavée peut s’accroître.
A la
fin de l’hiver, la laine stockée respire l’air frais du dehors. Il est
temps de construire le métier à tisser.
Les
femmes assises par terre procèdent au cardage pour travailler le fil de
trame qui doit être résistant. Elles travaillent les fibres les plus
courtes et les plus frisées avec deux planchettes en bois hérissées de
clous (« imchdn ») appelées « cardes » qu’elles tiennent par le manche
et qu’elles animent dans un mouvement énergique de va-et-vient.

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